• Les hirondelles de Kaboul, Ysmina KHADRA

     

     

     Dans les ruines brûlantes de la cité millénaire de Kaboul, la mort rôde, un turban noir autour du crâne. Ici, une lapidation de femme, là des exécutions publiques, les Taliban veillent. La joie et le rire sont suspects. Atiq, le courageux moudjahid reconverti en geôlier, traîne sa peine. Le goût de vivre a également abandonné Mohsen, qui rêvait de modernité. Son épouse Zunaira, avocate, plus belle que le ciel, est désormais condamné à l'obscurité à l'obscurité grillagée du tchadri. Alors Kaboul, que la folie guette, n'a plus d'autres histoires à offrir que des tragédies. Le printemps des hirondelles semble bien loin encore...

    On suit ici le destin de plusieurs personnages, des hommes et des femmes, deux couples, tous en souffrance. Les habitants de Kaboul n'ont plus rien, ils ont tout perdu, la joie les a quitté. Il leur reste la misère, sous une chaleur de plomb. Ils ne peuvent pas être heureux, gais, c'est interdit. Il n'y a plus d'autre passe-temps que la persécution, le soin de survivre. Mais ils doivent prier. Les Taliban y veillent.

    C'est un livre prenant, que je n'ai pas réussi à quitter avant la dernière page. Ce n'est pas un long roman, mais il est intense. L'histoire est dure, la descente en enfer des personnages masculins, qui entrainent dans leur sillage leur épouse. L'épilogue est tragique mais puissant.

    A lire. Vraiment.

    "Les terres afghanes ne sont que champs de bataille, arènes et cimetières. Les prières s'émiettent dans la furie des mitrailles, les loups hurlent chaque soir à la mort, et le vent, lorsqu'il se lève, livre la complainte des mendiants au croassement des corbeaux.

    Tout paraît embrasé, fossilisé, foudroyé par un sortilèe innomable. Le racloir de l'érosion gratte, désincruste, débourre, pave le sol nécrotique, érigeant en toute impunité les stèles de sa force tranquile. Puis, sans préavis, au pied des montagnes rageusement épilées par le souffle des fournaises, surgit Kaboul... ou bien ce qu'il en reste: une ville en état de décomposition avancée.

    [...] Par endroits, le bourdonnement des mouches et la puantueur des bêtes crevées ajoutent à la désolation quelque chose d'irréversible. On dirait que le monde est en train de pourrir, que sa gangraine a choisi de se développer à partir d'ici, dans le Pashtoun, tandis que la désertification poursuit  ses implacables reptations à travers la conscience des hommes, et leurs mentalités.

    Personne ne croit au miracle des pluies,aux féeries du printemps, encore moins aux aurores d'un lendemain clément. Les hommes sont devenus fous; ils ont tourné le dos au jour pour faire face à la nuit. Les saints patrons ont été destitués. Les prophètes sont morts et leurs fantômes crucifiés sur le front des enfants...

    Et pourtant, c'est ici aussi, dans le mutisme des rocailles et le silence des tombes, parmi la sécheresse des sols et l'aridité des coeurs, qu'est née notre histoire comme éclôt le nénuphar sur les eaux croupissantes du marais."

      

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